MES SOUVENIRS TRACENT DES TRAITS DROITS
Des souvenirs d'enfance que l'on ressort comme d'un cartable, des instants de vie capturés avec ces yeux-là. Le regard particulier des gens réservés. Ces gens qui, parce qu'ils savent se taire, savent surtout écouter.
C'est un regard singulier sur le monde que celui des timides, fait d'incompréhension, d'inquiétude mais surtout de bienveillance.
Créé en 2016, ce spectacle intimiste, touchant, parfois drôle est mis en scène par Julien ASSEMAT et interprété par Mickaël VIGUIER.
La création lumière est signée Thierry JACQUELIN et l'univers musical, Stephane PUECH.
L'affiche a été réalisée par Dominique MERMOUX.
Les photos officielles du spectacle ont été réalisées par Caroline ROBINEAU.
La création du spectacle a fait l'objet d'une résidence au lycée Georges Pompidou de Castelnau Le Lez (34).
Ce titre un peu étrange est celui d’un des textes qui composent le spectacle.
Des textes écrits et pensés par l’auteur de façon indépendante, sans véritable lien entre eux.
Notre travail dramaturgique a consisté à les regrouper, les agencer, et à les faire porter par un seul et même acteur afin de raconter une seule et même histoire.
Celle d’un homme construit avec, malgré et grâce à sa timidité…
Ne pas voir celle-ci comme une tare à l’heure où il faut être connu, reconnu et faire « du bruit » pour pouvoir exister.
C’est un spectacle que nous voulons à l’image de cet homme : simple, humain, sans artifice, posant des questions sur ces codes qui régissent nos vies, sur ces liens qui nous unissent, nous séparent, nous violentent.
La création de "MES SOUVENIRS TRACENT DES TRAITS DROITS" a été réalisée en partenariat avec le lycée Georges Pompidou de Castelnau Le Lez (34).
Tout au long des cinq mois de création (dont un mois en résidence dans l'établissement), 6 classes de Première (Littéraires, technologiques et professionnelles) ont pu découvrir tous les métiers du spectacle, la complexité d’une création et plus largement, le sens donné à projet professionnel allant bien au-delà d’une ambition simplement matérielle.
Tout, absolument tout, a été fait devant eux : le travail de dramaturgie, de direction d’acteur, l’installation technique, la création lumière, la recherche scénographique incluant un travail de machinerie mais aussi les aspects moins artistiques comme l’administration d’une compagnie, le mode de fonctionnement d’un théâtre, le travail de diffusion et jusqu’à l’élaboration de l’affiche du spectacle.
A l'issue de la résidence, le spectacle a été présenté en avant-première dans l'établissement devant les 180 élèves qui avaient suivi le projet.
Un projet mené main dans la main avec les équipes pédagogiques, une aventure inoubliable pour ces élèves (dont certains continuent de suivre notre travail) comme pour nous qui avons été extrêmement touchés, émus par ces nombreux échanges et cette nouvelle façon de créer.
"Je suis en contrôle de math là, j’ai rien compris à la leçon.
J’écris une lettre de mon prénom par minute, pas encore la date, ni l’énoncé du problème… histoire d’avoir un truc à écrire sur ma feuille à chaque fois que la prof regardera vers moi.
D’où je suis, je mesure les autres avec la main. Ils ne mesurent pas beaucoup.
C’est drôle, mais même quelqu’un à trois mètres de moi peut se mesurer sur l’écartement de mes doigts!
Carole mesure 17 cm à peu prés quand je rapporte mes doigts sur la règle.
Madame Vigneron, 13 cm, quand elle est debout au tableau.
Eric, ce connard d’Eric, 19 centimètres, il est juste à deux tables devant…
Il se retourne, il me regarde, il fait un geste pour dire qu’il va m’égorger.
Ca va, qu’il se calme lui! Mesurer quelqu’un avec les doigts, c’est pas une insulte… je le touche même pas!
Etre au fond de la classe, c’est pouvoir tenir la prof dans sa main, écraser Eric avec ses doigts ou porter Carole et la faire flotter jusqu’au tableau.
Je ferme un œil et je regarde mes doigts marcher à côté de Vigneron. Je m’emmerde et il y a presque une heure à tenir!
On y croit vachement à ces petits trucs, faire marcher ses doigts, quelque part, sur sa table…
On y croit à ces deux grandes jambes sans tête, à la démarche boiteuse… et un peu pédé faut avouer!
Puis on a vraiment l’impression qu’ils marchent dans le décor qu’on leur a choisi.
Là, mes doigts se promènent sur l’estrade, je fais les cents pas avec Vigneron.
Je lui mets un coup de pied au cul!
Le proviseur entre dans la classe, je me pousse parce qu’on est trois maintenant sur l’estrade, je m’assoie à côté de Carole. Non, je ne m’assoie pas. C’est pas un truc que j’arrive à faire avec les doigts, l’effet que ça donne n’est pas top.
Alors je reste debout… debout sur sa table !
Je regarde par la fenêtre, il y a une dame qui attend de voir Vigneron. Je crois que c’est pour Eric, je lui trouve un air de famille avec lui.
C’est dingue! J’arrive à trouver un air de famille à quelqu’un qui est à cinquante mètres de moi et qui mesure même pas deux millimètres, faut presque pincer les doigts pour la mesurer elle! Elle est minuscule!
C’est la fin de la classe, on a anglais dans 5 minutes pour une autre interro. Tout le monde se rue vers la sortie. Je ferme un œil et regarde mes doigts sauter de table en table pour aller vers la porte. J’écarte les doigts, ils passent tous sous mes jambes pour sortir !
Carole est la dernière à partir. Je réduis l’effet qu’ont mes doigts devant cette porte, pour avoir à peu prés sa taille.
Elle s’avance, balance son cartable sur le dos.
Moi j’ouvre très grand les yeux parce que pour sortir, elle va devoir me traverser…
Il y a bien une distance d’où les gens ne peuvent plus se mesurer sur l’écartement de deux doigts… C’est lorsqu’ils sont proches, presque collés à soi.
C’est pour ça que Carole mesurera toujours 17 centimètres.
Forcément pas plus, on ne s’embrassera jamais.
Evidemment, elle doit faire plus quelque fois… Peut-être 1 mètre 43 quand je m’arrange pour la bousculer en passant la porte de la classe en même temps qu’elle, 82 centimètres quand elle me tend un tas de papier du prof à faire passer aux autres, et même 1 mètre 55, sa taille, quand les connards qui ont compris que je l’aime bien, me poussent sur elle dans le couloir…
Tout ça ne se vérifiera jamais, on s’est presque jamais adressé la parole en un an, c’est même pas une amie, les deux doigts écartés devant les yeux pour la mesurer …mais j’aurais l’air d’un malade!"
J’fais très sérieux moi, encore là à écrire, en fait je marque la fin de mon nom, mon prénom, l’énoncé du problème, je souligne la date…
Je demande même une minute à la prof… Et je suis un peu gêné quand, de son bureau, elle me dit : « Écoute, t’as fait de ton mieux, on verra bien maintenant, pose ton stylo… ».
Espace Professionnel
Les prochaines dates
au Théâtre de la Plume
MONTPELLIER (34)
Festival de Solos Sensibles
à 20h30
Infos et Réservations 07 52 63 17
Ils nous ont accueilli
VILLENEUVE LES MAGUELONE (34)
Théâtre Le Fil à plomb
TOULOUSE (31)
Théâtre La Vista
MONTPELLIER (34)
Télémac Théâtre
NIMES (30)